
Quelques jours après l’effondrement tragique d’une partie des remparts de la Médina de Kairouan, un incident similaire a eu lieu à Monastir sans faire heureusement de victimes. Une partie de Bab Houmet Trabelsia de Monastir s’est écroulée à la suite des dernières précipitations.
Au cœur de la riche histoire tunisienne se dressent des édifices historiques qui témoignent des siècles passés et des civilisations qui ont laissé leur empreinte. Cependant, dans l’ombre de l’urbanisation rapide et du développement non structuré, et sous l’effet des changements climatiques et des fortes précipitations, ces vestiges précieux sont confrontés à un péril imminent, celui de l’effondrement et de l’oubli. Alors que la Tunisie progresse, la sonnette d’alarme doit être tirée pour attirer l’attention sur la nécessité urgente de préserver ces trésors historiques avant qu’ils ne disparaissent à jamais.
Si le pays s’est concentré tout au long de ces dernières années sur la situation politique et économique, les dangers qui guettent ces édifices témoins du passé ne sont pas à négliger et mettent en lumière les conséquences potentielles de leur non préservation, plaidant pour une action immédiate afin de sauvegarder l’héritage culturel unique de la Tunisie. Ce qui s’est passé, récemment, à Kairouan témoigne en effet de cette situation extrêmement affligeante et complexe.
Trois vies sont perdues à cause de la nonchalance et de l’absence de stratégie de sauvegarde de ce riche patrimoine historique, faisant de la Tunisie l’une des destinations touristiques les plus prisées. Une enquête a été ouverte par le ministère des Affaires culturelles. L’entrepreneur et l’ingénieur en charge du chantier ont été arrêtés. L’inspecteur régional du patrimoine à Kairouan Fethi Bahri a été limogé. Mais le mal est fait.
Kairouan peut être un site de tourisme écologique
Contacté à cet effet, l’activiste de la société civile à Kairouan Samir Siala a dénoncé l’état lamentable des édifices historiques à Kairouan. «Kairouan est un musée à ciel ouvert abritant des vestiges uniques et des pierres parmi les plus précieuses au monde, mais ce patrimoine est négligé et ne fait l’objet d’aucun entretien. 200 points sont menacés d’effondrement, y compris les marchés anciens et les mosquées», a-t-il averti, ajoutant que «Kairouan est en danger sans surveillance ni responsabilité». Citant également la situation des Bassins des Aghlabides, il a fait état d’un monument livré à lui-même sans aucune protection.
S’agissant des solutions, il a prôné la mise en place de tout un plan pour transformer Kairouan en un site de tourisme écologique qui rompt avec le modèle classique de masse ou du tourisme religieux, notamment pendant les périodes du Mouled.
Quelques jours après l’effondrement tragique d’une partie des remparts de la Médina de Kairouan, un incident similaire a eu lieu à Monastir sans faire heureusement de victimes. Une partie de Bab Houmet Trabelsia de Monastir s’est écroulée, mardi dernier, à la suite des dernières précipitations.
En tout cas, face à ces conditions météorologiques et pour minimiser les dégâts en cas d’effondrement, le ministère des Affaires culturelles a annoncé la mise en place d’un comité de vigilance au niveau de tous les gouvernorats pour prendre les mesures préventives nécessaires et éviter un autre drame tant que la situation de nos monuments historiques reste précaire.
L’urbanisation, première menace
La Tunisie, comme de nombreux pays en développement, est confrontée à une urbanisation rapide. Malheureusement, cette soif de développement a souvent été accompagnée d’un manque de sensibilité envers le patrimoine historique.
Les édifices qui ont résisté aux épreuves du temps pendant des siècles se retrouvent désormais à la merci de pelleteuses voraces, de projets immobiliers ambitieux et de négligences manifestes. Pourtant, début janvier, la Tunisie a publié une liste de 18 monuments historiques et archéologiques protégés dans le Journal officiel de la République tunisienne (Jort). Selon ce document visant à protéger le patrimoine matériel, 18 monuments historiques et archéologiques sont concernés dans 11 gouvernorats, à savoir Tunis, Ben Arous, Bizerte, Béja, Zaghouan, Sidi Bouzid, Gafsa, Sousse, Gabès, Kébili et notamment Kairouan.
Mais où en sommes nous une année après cette décision ? Pour revenir à cette question, nous avons tenté de joindre l’Institut national du patrimoine (INP) : aucune réponse ne nous est parvenue. Autant dire que la menace d’effondrement n’est pas seulement physique. L’abandon et la dégradation de ces monuments historiques portent également atteinte à la mémoire collective et à l’identité culturelle du peuple tunisien. En perdant ces témoins du passé, la Tunisie risque de sacrifier une partie irremplaçable de son histoire, de sa diversité culturelle, et de son héritage artistique. N’empêche, que les citoyens doivent également s’impliquer dans ces efforts pour protéger ce riche patrimoine. De plus, si l’île de Djerba a été enfin inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, ce genre d’incidents risque de freiner les efforts nationaux visant à inscrire d’autres sites à ce patrimoine mondial.